Les personnes qui commencent ce travail sont attirées par les rêves, parfois, sans raison particulière, sans raison exprimable. Je dirais que c’est une attirance vers l’inconscient, l’intériorité, un besoin de comprendre, de se comprendre.
Ce besoin peut sembler provenir d’un mal être plus ou moins diffus. C’est peut-être plus précis. Elles ont des rêves difficiles qui reviennent souvent qu’elles associent ou non à des conflits intérieurs ou extérieurs. Elles cherchent à comprendre pour aller vers un mieux être.
Ces personnes débutantes veulent connaitre la signification de leurs rêves pour soulager, améliorer leur situation, la situation de leur partie consciente représentée par leur moi. Qu’est-ce que veut dire ce rêve? Elles ont la conviction que de savoir ce qu’il veut dire va les aider à être plus conscientes, à soulager leur mal être intérieur ou leur donner des éléments pour résoudre des situations difficiles à l’extérieur. Elles ont en partie raison.
Elles cherchent la méthode pour interpréter ou attendent de leur interprète ce que le rêve veut dire. C’est bien normal de vouloir comprendre ce qui gène en nous pour aboutir à un changement libérateur. C’est vrai que cette démarche peut aboutir à des évolutions ou solutions spectaculaires. Mais si elles restent dans cette attitude ces personnes deviennent dépendantes de cette aide que leur procure les rêves, l’inconscient, leur interprète. Elles utilisent l’inconscient pour leur propre satisfaction, pour leur pouvoir (le pouvoir de leur moi). Leur moi reste figé, n’évolue pas et l’inconscient, les rêves arrêteront de les aider. Elles n’auront plus envie de cette méthode qui ne leur apporte pas ce qu’elles cherchent et iront à la quête d’autres méthodes…
Bien que dans des moments difficiles elles peuvent retomber dans l’attitude décrite précédemment, les personnes qui font ce travail depuis suffisamment de temps s’aperçoivent peu à peu que leur motivation change. Leur motivation change parce que leur appréciation de ce qu’est la réalité, de ce qu’elles sont, change.
A force de fréquenter l’inconscient celui-ci devient plus proche, plus fréquentable. Il devient un ami, même si le dialogue est parfois musclé. La confrontation fait grandir chacun (le moi conscient et l’autre l’inconscient). Cette confrontation fait que je me sens moins seul, plus complet, de moins en moins dépendant psychologiquement des autres, des évènements extérieurs. Paradoxalement je ne m’éloigne pas des autres. Au contraire, étant plus indépendant je peux les rencontrer sans risque en étant plus moi-même et en acceptant tels qu’ils sont (Attention : contrairement à ce qui est souvent admis, être moi-même ce n’est pas exprimer tout ce que je pense sans tenir compte de ce qu’est l’autre sans le respecter.).
La conscience s’élargit, s’épanouit, les projections disparaissent. Le moi devient moins unilatéral, il s’assouplit. Une sensation de sécurité intérieure, d’unité apparait peu à peu. Unité de la personnalité, unité avec le monde extérieur. Cette unité avec le monde extérieur n’est pas un monde de bisounours où je plane sur mon petit nuage. Elle n’exclue pas la confrontation, les conflits, la souffrance… Cette unité, C.G. Jung lui a donné le nom de Soi en empruntant un terme indien. Pour les alchimistes c’est la Pierre philosophale. C’est aussi le Graal…
Cette fréquentation continue de l’inconscient, ce dialogue, font que les rêves évoluent et deviennent une aide précieuse pour se connaître au jour le jour dans son évolution, corriger ses attitudes et même être alerté à l’avance pour agir plus justement. On obtient l’aide tant souhaitée par les personnes débutantes dans ce travail, mais paradoxalement sans qu’elle soit désirée.
Le chemin vers cette unité est aussi un chemin vers l’acceptation de la vie telle qu’elle se présente au jour le jour, qu’elle soit agréable ou désagréable ce qui n’exclue pas les luttes pour une vie meilleure.
Ce chemin il peut être ressenti dans le poème Le Gallet.
Il peut être ressenti dans le poème suivant qui est apparu récemment dans un rêve.
Perle d’un jour
Perle d’un jour,
fracassée sur la pierre
blanche à ses heures
Parfois sombre
Petite et forte
L’ombre te saisit
Attendre : c’est plus qu’un mot
Minuscule mais toujours là
Immobile au petit matin
et pourtant tu tourbillonnes
mais pour combien de temps?
Une nouvelle journée s’annonce
éclairée par à-coups
si dense
te recroqueviller, disparaitre
aller plus loin
Non tout simplement Non
Attendre
Voici ce que dit la rêveuse de son rêve et du poème:
Quand je me suis réveillée j’ai eu vraiment la sensation d’avoir écrit un poème en dormant mais je ne me souvenais plus de rien. Comme un rêve dont je ne me souvenais pas. C’était bizarre. Ce n’était pas un rêve comme d’habitude.
Peu à peu des mots se sont imposés très fortement en moi. « Perle d’un jour ». Je me suis dis : ce sont ces mots qui étaient dans le poème cette nuit. Les autres mots ne revenaient pas. Mais « Perle d’un jour » s’accrochaient en moi. C’était très fort. Je me suis dis : Cette perle c’est une perle de culture, une perle blanche. Perle d’un jour, elle est là, aujourd’hui mais elle peut être là tout le temps, éternellement. Et j’ai pensé à ces plongeurs aux bras nus, dans les iles, avec seulement un masque, qui vont chercher ces perles dans les barrières de corail au fond des océan, très en profondeur.
Je me suis dis : Cette perle… c’est moi. Déjà je sentais autre chose. Les autres mots n’étaient pas loin. Il y avait une sorte d’intégration. Il fallait que ces mots passent dans mon corps pour que je les retrouve. C’était fort. Quelque uns revenaient par exemple : « tourbillonnent », « attendre ». Alors j’ai vraiment pris conscience que j’avais écrit ce poème cette nuit. Il fallait que j’écrive. Les mots étaient là mais pas vraiment formulés. Pour qu’ils reviennent il fallait que j’écrive. Je ne voulais pas forcément écrire mais cela s’imposait à moi, j’étais poussé à le faire. J’ai pris une feuille mais je ne savais pas quoi écrire. J’ai commencé par perle d’un jour et j’ai senti des sensations très fortes. Par exemple comme si je recevais un coup de poing en pensant au mot « fracassée »… J’incrustais les mots au fur et à mesure dans mon corps. C’était bizarre. Violent. Et le poème s’est écrit.
Cela m’a donné une impression de globalité. Un état… un état pour traverser. Il y a des ressentis qui peuvent paraitre destructeurs mais des choses arrivent qui renouent autre chose… La perle est toujours là, elle est petite, minuscule. Il y a une espèce de mouvement qui peut paraitre turbulent, destructeur… et qui permet d’être là, d’être là. Et puis l’attente.
C’est une attente qui est pleine. L’attente c’est la réceptivité de tout se qui se passe en moi. C’est à la fois le fracas, le chaos, des éléments de force… Tous ces éléments font que ça traverse mais une attente est quelque part nécessaire. Attendre? Au début cela me paraissait bizarre. J’attends quoi? Je n’attends rien mais ce n’est pas une attente où il ne se passe rien. Cette attente elle est nourrie. C’est à la fois statique , le mot « immobile », mais aussi un mouvement très fort par pleins de mots comme « tu tourbillonnes », « fracassée ».
Et tout cela ça permet d’être là. Tout simplement. Au final ça paraît petit.
Je ne voulais pas écrire, je ne voulais pas. Cela s’est imposé. Il y avait des mots qui se présentaient et en même temps une résistance en moi. C’était surprenant. Dès que j’ai commencé à écrire cela a continué. Quand j’ai relu le poème il y a des mots qui m’ont surpris mais ils étaient sortis comme ça. Alors je me suis dit : ne touche à rien.
Cette histoire de perle c’était en dehors de moi. J’étais là et en même temps je me suis dit : Cette perle c’est moi. Cette perle c’est quelque chose de très petit mais dur quand même. Elle peut rouler, se retourner, elle peut se mettre partout. Elle est très souple, très mobile et en même temps très dure car elle se fracasse aussi. Quand j’en parle je suis complètement nourrie par elle. Je la porte depuis ce rêve. C’est très étrange. Elle est là. C’est une présence forte. C’est une espèce de présence dans le mouvement, une présence d’accompagnement. Elle est en moi, dedans et dehors. Elle fait partie d’un tout. C’est moi mais c’est pas moi. Je ne sais pas comment expliquer ça. C’est plus que le moi, ça le dépasse.
Que rajouter ? Peu de choses de peur que des explications, une interprétation polluent cette expression spontanée, vivante.
Nous aurons reconnu dans la perle un symbole du Soi , de la totalité de la personnalité dans laquelle le moi n’est qu’une petite partie.
Notons également les difficultés auxquelles la rêveuse a dû faire face pour exprimer, incarner ce message qui lui est venu des profondeurs.