Pour comprendre cet article il faut avoir lu les articles » Accepter nos faiblesses, nos handicaps » et « Les clefs pour se maîtriser ou la rencontre avec ses ombres ? »
Il pourrait paraître surprenant de trouver un article concernant un mouvement de protestation sur un site dont l’objectif est la sensibilisation à la compréhension des rêves. Il n’y a pas d’erreur. C’est tout à fait dans l’objectif d’un site qui s’appelle les rêves et la vie. En effet, comme je l’écrivais dans l’article précédent, par nos rêves l’inconscient agit très souvent en compensation d’un moi conscient trop orienté. L’intérêt d’un travail à partir de ses rêves est donc d’enrichir notre moi conscient souvent trop unilatéral (pour ne pas dire trop extrême) par une compréhension plus vaste de notre vie et un comportement en accord avec cette nouvelle compréhension. Ce travail doit donc être en lien avec notre vie quotidienne sinon on risque de s’envoler vers un monde de chimère, de fuir notre réalité d’humain ce qui est très souvent la tentation. Et notre vie quotidienne qui dépend en partie de ce que nous sommes et de ce que nous faisons est aussi complètement imbriquée et dépendante des pensées et actions collectives de la société dans laquelle nous vivons.
Mais revenons à cette notion d’ombre. Les ombres, ce sont ces parties inconscientes que nous ne pouvons ou ne voulons pas voir. Parties souvent rejetées parce qu’elles dérangent l’orientation du moi conscient. Elles peuvent être considérées comme l’inconscient dans son ensemble. Elles sont représentées par tous les personnages du rêve (sauf le rêveur qui représente le moi) mais les plus problématiques sont celles qui nous font peur, celles que nous fuyons, que nous rejetons. Ce sont les brigands de toutes sortes qui souvent nous agressent, nous volent. Ils représentent souvent nos faiblesses, nos incapacités. Dans les rêves ils sont :
les marginaux (voir Marginalité – Conformisme ), les manouches (voir Les clefs pour se maîtriser ou la rencontre avec ses ombres ? ), …
les personnes en situation de handicap (physique, mental) (voir Accepter nos faiblesses, nos handicaps)…
les personnes sans domicile fixe, les migrants sans papiers…
les personnes pauvres, de milieux défavorisés, exclues…
Et aussi les femmes représentant le féminin en nous (pour les hommes mais aussi pour les femmes). Le féminin qui est plus proche de l’inconscient inquiète, insécurise le masculin, le moi conscient qui, pour se protéger, cherche à le maîtriser. Ce désir de maîtrise peut s’exprimer de différentes façons par exemple à certaines époques dans la chasse aux sorcières.
Pour se construire, se stabiliser, la vie veut que le moi se protège en refusant toutes ces ombres sinon il risque d’être envahi, de ne pas pouvoir se structurer et même de disparaître (physiquement ou dans des maladies mentales extrêmes). Il se protège donc en refusant des entités qui auraient pu faire partie de lui mais qui pour l’instant sont trop difficiles à intégrer. Par la suite quand il a atteint un état d’équilibre, de stabilité, il a du mal à prendre le risque d’être déstabilisé bien qu’il sente en lui le besoin de s’ouvrir, de s’enrichir au contact de l’autre en lui. Ses mécanismes de défenses continuent à fonctionner et il est pris dans un conflit entre la fermeture sur lui-même et l’ouverture (voir Nos peurs, nos résistances). S’il choisit la fermeture d’une façon continue il va se scléroser, rester sur ses vérités pour garder son assurance (Moi je…). Une fausse assurance qu’il aura besoin de renforcer à chaque attaque extérieure, à chaque attaque des ombres, de l’inconscient, car celui-ci, en compensation, cherchera de plus en plus à l’ouvrir au fur et à mesure qu’il se protégera. L’issue peut être dramatique pour la personnalité. Maladies, accidents…
Et le mouvement des gilets jaunes dans tout cela? Et bien nous en parlons depuis le début de cet article. Si nous considérons ce mouvement comme faisant parti d’un rêve, d’un conte ou d’un mythe il exprime la réaction des ombres, de l’inconscient face à un moi sclérosé dans ses attitudes. Ce moi c’est la conscience du pays formée des décideurs de tout niveau représentés par le gouvernement actuel avec à sa tête le président et également par une grande partie de la population qui se cramponne à sa façon de vivre actuelle bien qu’elle ressente le besoin urgent de changement. En définitive on pourrait dire que ce sont les personnes reconnues dans la société.
Les gilets jaunes sont la frange de la population la plus pauvre, si on écarte de plus pauvres encore qui n’ont plus les moyens physiques de réagir. Ces derniers « réagissent » également mais par des moyens qui se retournent contre eux-mêmes, contre leur intégrité physique et/ou mentale. C’est par l’usure des corps, les maladies, les drogues de toutes sortes, la soumission aux exigences des administrations, l’abandon du désir d’être soi-même pour pouvoir être aidés, pour recevoir les miettes qui permettent de vivoter. Le moi qui se drape dans sa toute puissance dirait que ce sont des assistés.
Les gilets jaunes se révoltent contre des injustices qui durent depuis trop longtemps et qui empirent avec le gouvernement actuel. Ils réagissent sans avoir de programme défini comme le fait l’inconscient. Ils sont actuellement l’expression de l’inconscient de notre pays. Leur première réaction est de vouloir bloquer le pays comme le fait l’inconscient sur le corps avec les burn out, maladies ou accidents. Trop c’est trop.
Au départ ils n’ont pas vraiment de revendication. Ils se révoltent car ils n’en peuvent plus devant un moi qui les ignore, les maltraite, qui ne s’intéresse qu’à une petite partie de la population, qui est incapable de comprendre l’autre partie, de s’intéresser à elle. Pendant longtemps il a fait semblant pour avoir la paix mais ses actes sont trop contraires à ses paroles. Pour avoir cette paix il lui faudrait accepter d’évoluer , de se remettre profondément en question. Mais peut-il encore le faire?
Leur première revendication est symbolique. Ils réclament le départ du président, du roi. Il y a quelques mois certains avaient même pendu et brulé un mannequin à l’effigie du président.
Dans de nombreuses sociétés primitives, la prospérité du pays tout entier dépendait de la santé physique et psychique du roi : si celui-ci devenait impuissant ou tombait malade, il fallait le tuer et le remplacer par un autre dont la santé et la puissance sexuelle garantissaient la fécondité des femmes et du bétail et la fertilité de la terre… dans certains cas, la coutume n’était pas d’attendre que le roi vieillisse : passé un certain nombre d’années, il était mis à mort. L’intention est la même que précédemment : il se trouve périodiquement épuisé et doit être remplacé. … Marie Louise von Franz dans « l’interprétation des contes de fées » Édition Albin Michel page 69.
La plupart du temps on ne tuait pas le roi mais il était remplacé.
L’ancien monde doit être détruit pour être renouvelé. Cet ancien monde, ce sont nos façons de penser et d’agir qui aboutissent à tant d’injustice sociale, et de destructions du milieu naturel nécessaire à la vie sur terre. Et pour cela l’inconscient réagit de pleins de façons. En particulier par ce mouvement des gilets jaunes (d’autres l’ont précédé), par les catastrophes climatiques qui deviennent de plus en plus présentes…
Comment réagit le moi à ces attaques de l’inconscient? (Vous avez compris que dans cet article nous parlons à la fois du moi personnel d’un individu et du moi collectif du pays). Il semble avoir trop attendu pour prendre la mesure de la situation. Est-ce qu’il la comprend aujourd’hui? Son soucis n’est pas là. Il sent le danger et veut sauver sa peau à tout prix car changer profondément de politique n’est pas envisageable pour lui. Il n’est pas prêt au grand saut comme le Phénix qui accepte de mourir pour renaître de ses cendres.
Comment fait-il ce moi pour sauver sa peau?
Au début il est très gêné par ces témoignages poignants, ces situations dramatiques de personnes qui travaillent, n’arrivent pas à s’en sortir financièrement et qui s’en sortiront de moins en moins avec les réformes qui s’annoncent dont la taxe sur l’essence qui a été l’allumette qui a mis le feu aux poudres. Il y a beaucoup de femmes. On ressent dans ces témoignages la peur de tomber encore plus bas, au niveau des plus pauvres décrits plus haut qui ont abandonné le désir d’être soi-même, on pourrait dire le désir de vivre.
Il propose des mesurettes, des miettes, en trichant même dans les propositions comme cette soi-disant augmentation du SMIC qui n’en est pas une. Comme cela ne convainc pas grand monde il propose une grande consultation dans laquelle il pourra accepter des changements très minimes qui ne remettront pas en cause l’essentiel. Cette consultation permettra de faire durer les choses en comptant sur la fatigue des gilets jaunes. D’ailleurs il insiste sur le fait que le mouvement faibli, mais peu à peu la vérité ne peut être évitée. Les injustices, les colères sont trop fortes pour retomber aussitôt.
Alors il va chercher des raisons de dévaloriser ce mouvement. Il va chercher à casser son unité car cette unité est très fragile. Elle ne tient que par la révolte.
Ils ne savent pas ce qu’ils veulent? Ils ne le savent que trop bien mais c’est tellement énorme que cela ne peut pas se décliner en une suite de revendications. C’est au moi à évoluer, à mettre en place consciemment les changements attendus, c’est son travail. Eux n’ont pas de temps pour cela. Ils doivent survivre au jour le jour.
Ils n’ont pas de représentants, ils ne sont pas organisés, ils ne sont pas raisonnables? Oui mais ce n’est pas leur fonction. Leur travail à eux c’est de faire pression sur le moi pour qu’il change. Et lui il les accuse d’être ce qu’ils sont, il leur demande d’être comme lui.
Ils sont violents, ils paralysent le pays, ils font peur? Oui comme souvent les brigands, les ombres dans les rêves, les cauchemars. Sils n’étaient pas violents ils auraient peu de chances d’être écoutés. Pour que cette violence fasse encore plus peur, pour l’amplifier, le moi demande aux « forces de l’ordre » d’être de plus en plus violentes en comptant sur la presse pour que cela ne ne voit pas trop.
Comment cette situation peut-elle évoluer? Comme dans le cas d’un individu soit le moi intégrera suffisamment ces forces inconscientes qui sont une richesse pour l’ensemble de la personnalité, du pays, soit il continuera à se barricader derrière ses vérités, ses certitudes et la réaction de l’inconscient sera, dans un futur plus ou moins proche, de plus en plus forte.
Mais me direz-vous, un mouvement extérieur comme celui des gilets jaunes ne fait pas parti d’un rêve, d’un mythe.
Voilà bien la réaction classique d’un moi conscient qui ne s’appuie que sur sa pensée logique! Avec le temps, le travail sur les rêves, la fréquentation de l’inconscient, nous aide à ressentir de plus en plus le lien entre ces deux mondes conscient et inconscient, à ressentir l’unité de la vie. Il n’est pas à exclure, si nous le ressentons, d’interpréter un évènement extérieur, personnel ou collectif, comme un rêve. Cela peut être riche d’enseignements.